Ensemble formé en 2021 par le batteur et compositeur Tancrède D. Kummer réunissant Samuel Mastorakis (vibraphones, percussions) et Rémi Ploton (piano) autour de ses compositions et concepts musicaux. Au printemps 2022, FORGES enregistre son premier opus (éponyme) dans les studios légendaires Wisselord (Hilversum, NL) l’album dont la sortie est prévue pour Janvier 2023 sera distribué par le label indépendant Boomslang Records.
À l’origine de cet ensemble est la découverte en 2016 de la scène des musiques improvisées contemporaines Allemande et qui fera l’objet d’un mémoire 'A life of choice within aesthetic curve' soutenu au Conservatorium van Amsterdam en 2019. Fasciné par la dialectique nouvelle entre matériaux écrits et improvisés qu’offre cette musique très peu représentée dans le paysage musical Français, Tancrède entreprend suite à sa recherche, de réunir un ensemble de musiciens avec lesquels explorer les enjeux que ce genre nouveau soulève:
— Comment créer et interconnecter des formes et/ou des objets compositionnels précis sans pour autant compromettre la spontanéité et la fluidité de l’interaction au sein du collectif
— Comment laisser évoluer le matériau empiriquement le long d’une pièce ou encore d’une pièce à l’autre, comme s’il faisait lui-même, de manière autonome, l’expérience de la performance en temps réel ?
Pour ce faire, Tancrède élabore des structures chargées et composites aux strates minutieusement orchestrées ainsi que des paramètres musicaux permettant de naviguer librement d’une piéces à l’autre; utilisant notamment des signaux musicaux (fragments de mélodie, leitmotives ou ostinati) provenant des idiomes jazz d’avant-garde comme de la musique contemporaine.
Cependant, l'ensemble utilise cette écriture détaillée afin de pousser le langage improvisé dans ses retranchements. Chaque membre joue un rôle principal mais changeant de pilier inébranlable à élément perturbateur en passant par électron libre, pour mettre au défi le ‘texte’ imposé.
Bien que pouvant être considéré comme complexe, il ne s’agit pas là d’une démarche intellectuelle arbitraire mais d’une adresse directe et sans compromis visant spontanéité et aura; et qui tend à dépasser l’idée d’une musique tissée de simples déductions où tout arrive avec une nécessité univoque. Ce parti-prit encourage la tendance qu’ont les musiciens à étendre le champ d’application habituellement associé à leurs instruments. En effet, chacun est libre d’endosser un rôle de percussionniste, de mélodiste, de bassiste, de coloriste voir même de “saboteur” puisque tous accueille le ‘trouble’ avec bienveillance. En ce sens, FORGES transcende la dichotomie usuelle entre section rythmique et solistes.
Il s'agit d’une certaine manière de créer comme des personnages, complexes et versatiles, aux humeurs changeantes et sensibles à leurs environnements, sans pour autant les astreindre à un fil narratif préétabli et inéluctable; de laisser les événements et les décors se former au gré de la créativité des musiciens. De mettre en place une plateforme d’échange, où les limites rigoureuses que semble déterminer l’écriture se changent en un terrain de jeu célébrant l’esprit d’aventure et l’urgence.
Cette écriture cherche donc à encourager d’une part l’émancipation des musiciens par rapport au matériau écrit et d’autre part celle du matériau lui-même par rapport aux formes des compositions. Permettant ainsi à la frontière entre « texte » (composition, notation, préméditation) et « initiative » (interprétation, improvisation) de ne s’inscrire qu’en pointillés voire, parfois, de disparaître complètement.
C’est une réflexion sur la prévalence de l’ambiguïté et de l’abstraction au sein de la rigueur structurelle imposée par la composition et les différents cadres et paramètres sur lesquelles se basent les phases improvisées. C’est en quelque sorte l’apologie du mystère et de la déconstruction, ”tout en chérissant l’objet qu'on détruit.”